Le modèle off-shore : un modèle boomerang
Off-shore
La mondialisation du marché, la facilité des télécommunications, la simplification de l’interconnexion des systèmes offerte par l’Internet et la rapidité des échanges de biens ont permis à l’off-shore de se développer dans l’ensemble des domaines économiques : centre d’appels, sosu-traitance industrielle, centre de développements informatiques, etc.
Les conditions générales ayant rendu ce modèle incontournable, il a été mis en exploitation de diverses façons depuis une quinzaine d’année, et à vrai dire dans un réel consensus affiché ou non. En effet, aux niveaux des entrepreneurs et dirigeants d’entreprise, il est évident que le modèle ne pouvait conduire qu’à l’augmentation des profits. Quant aux citoyens, en tant que salariés beaucoup en ont été victimes… mais peut-être, sans s’en rendre compte, victimes ‘’consentantes’’ car, en tant que consommateurs, ils ont ‘’profité’’ des prix bas résultant de ce modèle !
Mais les évolutions rapides liées, entre autres, aux très forts taux de développement des ‘’pays d’accueil’’ de l’off-shore (Chine, Inde, Brésil) a favorisé un retournement progressif des rapports de forces entre les ‘’donneurs d’ordres’’ et les ‘’sous-traitants’’ de ce modèle.
Le boomerang off-shore
Qu’est-ce que l’effet ‘’Boomerang’ de’ l’off-shore?
C’est une sorte de retour à l’envoyeur. Le nom est plutôt mal choisi dans la mesure où l’envoyeur du ‘’boomerang’’ ne le récupère pas, mais par contre sera à court ou moyen terme percuté par son arme !
Ce Business Model a commencé comme des opportunités de produire aux plus bas coûts, à partir d’usines et de plates-formes se trouvant dans des pays où le salaire de la main d’œuvre est incomparablement moins cher que ce que nous connaissons dans les pays industrialisés.
Le modèle simple comprend des ‘’Back Offices’’ – le mot a pris une connotation très péjorative dans les pays concernés, en particulier en Inde – où en dehors d’une main d’œuvre bon marché, l’essentiel du travail consiste en l’exécution de contrats passés par les ‘’Front Offices’’ se trouvant dans les pays clients.
Une décade et demie après, la situation a bien changé, tant au niveau des compétences technologiques locales que dans le rapport de force entre les Front Offices et les Back Offices.
La situation et en cours de retournement
‘’High Tech’’ locale
Pendant cette courte période, on a assisté à la montée en compétence de ces centres Offshore, en particulier dans des pays comme l’Inde et la Chine. On a également assisté à la montée en technicité, globalement parlant, au niveau national, en particulier dans les quarteron des pays appelé BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine. Hormis la Russie qui était de très longue date positionnée plusieurs domaines de haute technologie, les autres ont développé de façon considérable leur présence dans la recherche informatique, spatiale, médicale, etc.
Désormais, ces nations qui hébergeaient des back office sont devenues des acteurs majeurs de la High Tech. C’est le cas notamment de l’Inde. Par exemple, en matière spatiale, non seulement le programme de l’agence spatiale indienne n’a pas rien à envier à celle de ses concurrentes européennes, mais en plus, elle peut s’enorgueillir d’avoir mis sur orbite et d’exploiter une demi-centaine de satellites fournissant des données qui ont alimenté la mise en œuvre de programmes économiques locaux, dans les domaines agricoles, piscicoles et socio-économiques, permettant à ce pays de progresser sur tous les plans.
Nouvelles puissances financières
En parallèle à ces développements, les entreprises ‘’locales’’ qui étaient limitées à des fonctions de Back-Office, connaissent une montée de leur puissance financière, dans tous les pays du quadrige ‘’BRIC’’. Cette situation est plus ou moins marquée selon les secteurs d’activité. C’est particulièrement le cas dans les domaines de Haute Technologie.
Ainsi, les Sociétés de Services en Ingénierie Informatique (SSII), voient l’arrivée parmi les plus puissantes d’entre elles de sociétés indiennes telle que Wipro, Infosys, Etc. Désormais, ces sociétés affichent leurs intention de racheter de grandes SSII européennes ou américaines, après avoir déjà procéder à des OPA sur de nombreuses SSII de taille moyenne.
Les SSII ne sont pas seules à connaître ce changement d’importance. Les retombées des domaines spatial, militaire et nucléaire ont également contribué à faire progresser les autres domaines technologiques (tels que l’informatique.
Le Back contrôlera-t-il le Front ?
Les temps où le Back office était un sous-traitant du front office pourraient bientôt être révolu.
Les Back Offices ont :
§ Développé leurs compétences techniques, et plus spécialement dans les domaines des nouvelles et hautes technologies ;
§ Réussi à industrialiser leur processus qualité, réussissant pour un grand nombre d’entre eux à atteindre de hauts niveaux de certification CMMI (CMMI 4, voire 5).
Pendant que leurs centres de production ont acquis de plus en plus de savoir-faire, les entrepreneurs des pays hôtes se sont de plus en plus renforcés au niveau financiers. Ils peuvent alors désormais racheter et ainsi prendre le contrôle sur les entreprises européennes ou américaines qui représentaient jusqu’à présent leurs ‘’Front-Office’’ et donneurs d’ordre.
Off-shore et éthique
L’off-shore est-il condamné à être non éthique ?
En ‘’offshorisant’’, indépendamment du fait que les organismes sociaux des états ont pris en charge les revenus des ménages touchés par les mesures de chômage résultant du déplacement des centres de production, les modèles socio-économiques des pays d’accueil des usines ont été mis en lumière. Or, ils sont en sont en complète contradiction avec l’héritage humaniste acquis en deux siècles et demi de développement industriel dans nos pays ! Cet héritage nous a permis développer sinon une société plus égalitaire, du moins un tissu social où les classes moyennes se sont développées majoritairement.
En effet, dans les quatre pays du BRIC les inégalités sociales font partie de la vie courante… et, phénomène hautement régressif pour nous… cette situation est entrevue par certains comme un possible modèle à venir pour l’évolution pour nos sociétés !
Le lecteur se reportera à mon Blog associatif, pour ces questions :
http://01philo.wordpress.com/about/ex-afisi/bizentic/
Autant dire que la démarche d’off-shorisation adoptée jusqu’à présent s’est faite dans le plus grand irrespect de l’éthique !
Ce manquement à l’éthique a été aggravé par le fait que cela même qui sont victimes de ce modèle – c’est-à-dire les personnes victimes de chômage – se retrouvant avec des revenus affaiblis, versé par les services d’assurance chômage de leurs pays respectifs se trouvent dans une situation de « choix indirectement forcé » de biens de consommation aux prix les plus faibles… donc en provenance des back-office off-shore. Il s’en trouve qu’indirectement, le modèle off-shore a largement profité du système social qui permet à nos sociétés de protéger en partie les revenus des demandeurs d’emplois !
Nous verrons que cette situation a aujourd’hui également son effet boomerang.
Off-shore éthique ?
Il existe pourtant d’autres modèles off-shore.
Je pense en particulier à la façon dont les entreprises américaines ont sous-traité, dans la décennie 1985 à 1995, la fabrication des matériels de micro-informatiques. Ils en avaient confié la fabrication à ce qu’on appelait alors les « Cinq dragons d’Asie du Sud Est » — Hong Kong, Taiwan, Singapour, Corée du Sud et Malaisie. C’est d’ailleurs en grande partie grâce à ce modèle que ces cinq pays ont largement fondé leur développement économique et financier. La démarche ne s’appuyait pas sur une volonté éthique affichée et pourtant elle présentait l’intelligence d’une part de garder sur le territoire américain la partie valorisante, les brevets, la recherche et le marketing et d’autre part de ne pas délocaliser. En effet, il n’y a pas eu de fermetures d’usine et de transfert de l’outil de production dans ces pays. Il y a eu implantation de nouvelles usines liées aux concepteurs des produits par des contrats fortement protecteurs.
Même si on ne peut pas parler d’éthique, dans cet exemple, au moins il n’y a pas eu de « casse » de l’infrastructure de production, de mise en chômage de population et de leur prise en charge par les organisme sociaux palliant au manque de revenus provoqués par la fermeture d’usines.
Off-shore et crise financière mondiale
La généralisation de la crise financière dans le courant de l’année 2008 est désormais en train de secouer le groupe des pays du BRIC.
En effet, la récession se faisant sentir dans les « vieux » pays développé… la consommation ne pourra que chuter. D’ores et déjà les taux de croissance industrielle à deux chiffres de ces pays, sont en train d’appartenir au passé. La Chine a donc décidé d’injecter 586 milliards de dollars pour soutenir la consommation intérieure indispensable pour compenser la chute prévisionnelle des exportations.
La sortie de la crise verra donc très probablement de réels changements dans le management et l’exploitation du modèle off-shore.
Mise à jour le 9/11/2008 — à suivre)
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